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Lutherie Patrice Boucher
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Décortiquer l'univers des violons

Choisir un violon chez P.Boucher
UN MARIAGE Choisir un violon, c'est comme choisir un partenaire de vie.

Avant propos sur les nomenclatures courantes : violon débutant, intermédiaire, etc

Les instruments sont couramment classifiés en termes de violons étudiants, débutant, intermédiaires, avancés, professionnels... Le violoniste est censé comprendre de cette classification qu'il devrait débuter avec un violon débutant, pour ensuite changer de violon au fur et à mesure de sa progression... Cette classification courante est parfaitement efficace, mais je me suis permis d'explorer une classification différente que vous trouverez plus en détail dans la page de mes violons 4/4.

Mais, tout d'abord, quelle est la différence entre en violon débutant, d'un violon intermédiaire ou professionnel ?

Pour comprendre ceci, je fais l'analogie avec le vin, puisqu'une grande partie de la population majeure connaît le produit. Un violon débutant est comme un vin bas de gamme, juste assez bon pour titiller les consommateurs à l'expérimenter jusqu'à ce qu'ils s'intéressent vraiment au produit. À ce stade, ils achèteront un meilleur vin: le violon intermédiaire. Le violon intermédiaire est un produit de consommation de masse, toujours agréable dans toutes les circonstances. On l'apporte dans les occasions plus hasardeuses sans stresser notre vie; un violon de bonne franquette qu'il fait bon de partager aux amis. Le violon avancé/professionnel est un vin de fines bouches, fines oreilles, recherchant quelque chose de riche, unique, authentique : une personnalité forte qui marque l'imaginaire, la profondeur de l'âme. Il ne s'agit plus de faire un beau son, un bon goût et de le répéter à chaque violon / à chaque bouteille, il s'agit d'équilibrer les caractéristiques du produit d'une beauté chaque fois unique. Le vin dispendieux, comme le violon professionnel, est ainsi une oeuvre d'art qui contribuera, avec l'interprète, à marquer l'expérience du public dégustateur. Par sa personnalité plus forte, il amplifiera l'intensité de l'expérience acoustique, incluant également ses problèmes liés aux difficultés techniques - certains joueurs préféreront ainsi des violons moins intenses.

De l'artisanat à l'art...

Si le violon professionnel ou le vin dispendieux s'apparente davantage à une oeuvre d'art qu'à  un produit prévisible de séries, on doit quand même remarquer que, pour être digne de leurs statuts : ils doivent être réussis! Pour des produits devant respecter des critères précis, vins génériques / violons débutants intermédiaires, on peut juger de leur réussite en vérifiant que chaque critère de fabrication est respecté. Mais comment qualifier qu'une oeuvre d'art est réussite ou non ? Voici mon point de vue : pour une oeuvre d'art, la réussite est dans la capacité à évoquer chez l'observateur la vision, quelque part le ressenti de son émetteur, ou une version personnalisée de cette vision et ce ressenti. L'art est agréable et beau quand l'intérieur de l'émetteur l'est tout autant. L'artisanat devient de l'art avec cette capacité évocatrice à enclencher l'imaginaire de l'observateur dans une expérience qui lui est unique. Ainsi, l'appréciation de l'oeuvre ne se fait pas avec des critères. Plutôt, l'oeuvre remet en question les critères établis et en inspire de nouveaux. Ce faisant, l'appréciation peut varier largement d'un observateur à l'autre, et la classification du moins réussi au plus réussi appartient à chacun.

Neuf ou usagé ? Chez des luthiers...

Pour avoir vu quelques violons, je dirais que le fait d'être neuf n'enlève rien à un violon; et le fait d'être usager ou ancien non plus.

Les célèbres Stradivarius ont été fabriqués fin 17e siècle / début 18e siècle et sont encore joués aujourd'hui. Les violons les plus chers ont quelques centaines d'années. Néanmoins, des luthiers contemporains produisent d'excellents violons très prisés des grands violonistes. Vous trouverez par exemple au Québec de nombreux luthiers talentueux. Je me permets de citer quelques autres luthiers dont j'ai eu la chance de voir et d'entendre leurs instruments : André Lavoye et Pierre Charette à Montréal, deux luthiers remarquables de 40 ans d'expérience; Guy Salois à Contrecoeur, luthier autodidacte remarquable inspiré par l'histoire du Québec, Martin Héroux populaire, au minimum, chez les joueurs de musique traditionnels. Pour les intéressés, sachez qu'une liste de luthiers québécois est disponible sur lutherie.ca.

Là où il faut faire attention avec un violon d'occasion, c'est son état. Outre le prix d'acquisition, on ne doit pas oublier celui des réparations. Un violon à 2$ peut, en effet, ne pas en valoir la peine si les réparations requises pour le remettre en état en coûtent 500$. Règle générale, les violons débutants doivent ainsi être en excellent état pour en valoir l'investissement. Pour ceux ayant de la difficulté à évaluer la valeur des violons, différentes options s'offrent à vous, en particulier : acheter des violons en excellent état; demander l'avis d'un luthier sur l'achat possible avant de l'effectuer; acheter directement du luthier. Acheter d'un luthier évite d'avoir à débourser une somme supplémentaire (surprise) suite à l'achat d'un instrument et offre une garantie sur la qualité. Néanmoins, de belles trouvailles surviennent occasionnellement. Pour les plus aventureux aussi fascinés par l'instrument qu'à le jouer, il est en effet possible d'acheter de nombreux violons d'occasion, faire des erreurs, en apprendre davantage sur les violons, puis faire ensuite de meilleurs choix - ce fut mon option, certes pas la plus économique...

Un violon adapté au joueur

Lorsqu'on cherche son instrument, il m'apparaît très important de choisir un instrument dont le son nous plaît, personnellement, et, à moins d'être particulièrement riche, d'arrêter notre investissement là où nos oreilles sont comblées et avant de ne plus voir de différence.

À mon avis, la façon d'apprécier au mieux la personnalité d'un violon ou d'une personne est à peu près la même : laisser son caractère s'exprimer en nous, à sa façon, avec ouverture d'esprit et réceptivité simple; puis ressentir l'expérience... Les sens m'apparaissent avoir plus de profondeur, de richesse et de connectivité avec notre fond que l'esprit logique : un violon qui comble nos sens à chaque moment présent sera apprécié plus longtemps qu'un violon qui comble des critères a priori qu'on s'était fixé. Ainsi est-il possible de se retrouver avec un type de personne qu'on n’avait pas soupçonné avant la rencontre!

Dans le cas où l'expérience ne nous plaît pas et qu'on se demande pourquoi; on peut toujours porter attention à différentes caractéristiques : le timbre de l'instrument, l'équilibre, l'appréciation des différentes notes qu'on utilise abondamment dans nos pièces, la chaleur et profondeur (il est plus facile de jouer des heures et des heures sur un violon "chaud"), y-a-il des irritants ? Certains irritants sont dus au simple fait de ne pas être habitué à l'instrument (ceux-ci disparaissent rapidement), d'autres sont dus à un trait "problématique" pour notre jeu; beaucoup peuvent être dues à des ajustements à faire sur l'instrument. Votre capacité à cibler les traits problématiques aidera le luthier à optimiser l'instrument à votre goût, ou encore à cibler un autre instrument plus susceptible de vous plaire.

Il faut aussi être conscient que certains violons ont un spectre plus large autour de la note effectivement jouée (la plupart des violons débutants/intermédiaires neufs). Ces derniers offriront une bonne sonorité même si la note n'est pas très juste. Ceci est plus agréable à l'oreille. En contrepartie, il est plus difficile d'améliorer notre précision quand l'erreur a peu d'effet. D'autres violons offriront un son merveilleux à la condition de jouer les notes exactes.

Lors de magasinages, il est de bonne pratique pour un débutant d'amener un joueur expérimenté (tel que son professeur) pour entendre le son qu'il fera sortir des différents instruments. Ceci permet également de profiter de son avis pour orienter votre choix vers un instrument à plus haut potentiel et de trancher en cas d'indécision quant à des choix qui vous semblent équivalents.

Néanmoins, il faut garder en tête que l'appréciation d'un violon varie littéralement d'un joueur à l'autre, de l'amateur au professionnel et professeur. Un bon violon pour un professionnel sera parfois médiocre pour un second et vice versa. Les professionnels critiquent les violons de leurs camarades, parfois positivement; parfois négativement. Tant que chacun est comblé, ceci n'a aucune importance et chaque violon comblant son joueur mérite respect et reconnaissance.

Un violon adapté au contexte

L'appréciation d'un violon est sujette à varier selon le contexte dans lesquels il est utilisé. De mon côté, je pratique avec un, joue en session avec un autre, dans une cabane à sucre avec un troisième... Certains violons, plus rares, sont bons dans tous les contextes, ou à peu près. Cependant, le joueur moyen n'utilisera pas forcément son violon dans tous les contextes... Pour en savoir plus, je décris à la page des violons 4/4 quatre familles de tempéraments, regroupant les violons dits: doux, vifs, d'orchestre et de solistes.

La valeur de l'instrument

Pour les violons produits par les manufactures et les luthiers contemporains, la valeur marchande est essentiellement déterminée par ces derniers via le prix de vente; qui dépend bien sûr de la qualité du violon en tant que tel, mais aussi de facteurs de production et de mise en marché.

Pour les violons anciens de productions terminées, les prix de vente anciens n'ont plus de sens aujourd'hui bien qu'ils permettent, dans une certaine mesure, de comparer l'effort de qualité des différents instruments; effort de qualité puisque la qualité s'observe toujours directement, au final, dans l'instrument. La figure ci-dessous donne un aperçu du prix envisageable pour un violon selon une valeur marchande moyenne de violons de productions passées (remarque: la figure est réalisée à partir de mes observations de façon approximative).

Valeurs des violons
Aperçu (approximatif) du prix envisageable d'un violon de production ancienne, selon la valeur marchande moyenne.

La valeur marchande moyenne, inconnue et utopique, varie selon des facteurs stables dans le temps, lesquels sont directement liés à l'instrument et sa fabrication : sa qualité de construction, son esthétisme, le fabricant et le pays de fabrication, l'authenticité de l'instrument et la rareté (l'offre). L'objectif d'un évaluateur est, justement, d'évaluer la valeur marchande moyenne pour le marché dans lequel est prédestiné l'instrument, laquelle dépendra aussi de facteurs variables : réputation du vendeur/détaillant, la qualité de jeu et de la sonorité, l'engouement du marché (la demande) et, enfin, le roulement de vente cible : c'est-à-dire la rapidité avec laquelle on désire vendre l'instrument.

La figure présente en bleu pâle la spéculation sur les violons, imputable à ceux qui osent les valoriser davantage que la moyenne de leurs contemporains. Certains de ces visionnaires de préciosité investissent dans les violons comme on peut investir dans l'or; d'autres par simple passion des instruments et des musiciens. En rendant de facto un type d'instrument moins accessible, leur valorisation est effective dès que ce type d'instrument présente un intérêt en tant que tel; ce qui limite le risque de l'investissement (le principe est le même en immobilier). Cette spéculation cause une augmentation exponentielle des prix effectifs sur les violons les plus estimés. Malgré qu'elle soit spontanée (déplacement vers le haut sur l'axe vertical), elle contribue à l'augmentation de la valeur marchande moyenne d'instruments similaires (déplacement vers la droite sur l'axe horizontal).

Il est donc envisageable d'observer un violon à 500$ (valeur théorique inconnue) se vendre entre 350 et 650, un violon à 1000$ se vendre entre 750 et 1400$, un violon à 2000$ se vendre entre 1400 et 3000$, un violon à 4000$ se vendre entre 2800 et 6500$... ainsi de suite. L'incertitude croissante vis-à-vis le prix s'explique par plusieurs phénomènes, mais en particulier par la rareté, c'est-à-dire que les violons dispendieux sont typiquement des violons assez rares. Or, il est difficile d'établir un "prix" fiable avec peu d'exemplaires, peu d'historiques de ventes. Les facteurs variables prennent ainsi de plus en plus de place dans la fixation des prix : réputation, appréciation, demande et spéculation.

L'authenticité d'un violon peut facilement multiplier sa valeur spéculative par 3, voire 10, 100 selon la célébrité du luthier. Règle générale, les luthiers célèbres produisent des violons de grande qualité dans tout ce qui est présenté ici. Un élément de qualité faible ou moyenne, une discordance du style du violon à ceux normalement produits par le luthier (autres violons déjà authentifiés) font chuter rapidement la probabilité d'un instrument authentique.

Les luthiers détaillants, les musiciens et les spéculateurs contribuent également, chacun à sa façon, à l'évolution des valeurs des instruments.

Enfin, il importe de souligner que les facteurs liés au risque de l'investissement changent drastiquement la valeur des instruments : quant à l'état en particulier pour les joueurs et aussi l'authenticité pour les collectionneurs. Pour un violon prédestiné à un musicien (qui ne présente pas un intérêt spécial en collection), sa valeur sera toujours faible s'il n'est pas en état de bien jouer. Je recommande ainsi à ceux désirant vendre leur instrument d'optimiser au préalable sa sonorité par un luthier.

Faire évaluer son violon par des luthiers : ce qu'il faut savoir

L'objectif du luthier est d'évaluer l'instrument considérant son histoire, l'état de l'instrument, la construction, les historiques de vente et même, parfois ... le son! En valorisant les instruments à son goût, le luthier peut augmenter subjectivement leur appréciation auprès de sa clientèle et ainsi contribuer à l'augmentation de leur valeur marchande. Il est normal par exemple qu'un luthier ayant fait ses études à l'école française soit plus à l'aise à valoriser les violons de sa spécialité.

Lorsqu'on présente un même instrument à plusieurs luthiers, il faut s'attendre à des évaluations variables tant au niveau de la valeur marchande que de l'état de l'instrument même si chacun d'eux est à la fois compétent et honnête.

Pour ce qui est de l'évaluation de la valeur marchande, la variabilité s'explique par l'incertitude sur la valeur marchande moyenne (axe horizontal du graphique plus haut), combinée par la variabilité des facteurs spécifiques à chaque luthier et du marché (axe vertical du même graphique).

Pour ce qui est de l'évaluation de l'instrument, les luthiers n'accordent pas tous la même importance à divers éléments (techniques de réparation utilisées sur l'instrument, gravité d'une condition) et n'ont pas tous les mêmes techniques d'ajustement. En plus de faire varier l'estimation, cette variété d'opinions et de techniques crée immanquablement une certaine rivalité entre luthiers, qu'il vaille la peine d'expliquer. La bogue est simple : comme chaque luthier soucieux adopte les techniques qu'il estime comme étant les meilleurs, il reste normal qu'il considère les autres techniques comme étant inférieures, possiblement celles utilisées par ses concurrents ou collègues. Pour l'objectif d'évaluation, il importe de relativiser l'importance des caractéristiques de l'instrument et d'expliquer ses forces et faiblesses dans son contexte d'utilisation : instrument de musique, oeuvre d'art, objet de spéculation, etc.

Valeur d'un instrument, en bref

Pour un musicien moyennement fortuné qui désire faire de l'argent d'abord avec sa musique, mon meilleur conseil est de miser avant tout sur la sonorité et l'appréciation personnelle de l'instrument dans son ensemble. À moins d'être un fin investisseur, acheter un violon pour le revendre est très risqué. Une étude de Saitis et al. (2012) reporte que la préférence acoustique de violons en haut de 1300$ est peu en lien avec le prix. Il est donc important d'essayer aussi des violons en bas de son budget initial au risque d'être agréablement surpris avec un violon moins cher qui répond aussi bien, voire mieux à ses besoins.

Pour quelqu'un visant la vente, trouver un luthier qui valorise l'instrument peut être avantageux, considérant également l'investissement proposé par le luthier pour vendre à la valeur estimée. La valorisation vient avec une certaine connaissance du marché pour l'instrument. Un instrument surévalué pourrait cependant prendre plus de temps à vendre ou générer des problèmes après vente. Le prix « correct » est de mise.

En conclusion de cette section sur la valeur de l'instrument, le plus important à retenir est que la valeur la plus véritable d'un instrument, comme celle de toute oeuvre d'art, restera toujours dans celle de l'amour qu'on lui accorde. Aimer un violon et le valoriser est sensiblement la même chose et l'oeuvre se nourrit ainsi d'une sorte de cumul d'amour et d'appréciation qu'on lui a accordé - tout d'abord par ceux qui osent aimer de leurs propres sens.

Analyser la qualité d'un violon

La marque

Dans le monde des violons, la marque est généralement un mauvais critère pour choisir son instrument. D'abord, les violons des plus valeureux sont faits par des luthiers souvent à leurs comptes. Énormément de violons portent de fausses étiquettes, ou des étiquettes qui sous-entendent que le violon est fait par le luthier prestigieux indiqué, alors que ce n'est pas le cas.

Ensuite, la plupart des entreprises (de Mirecourt, Eastman, Suzuki, Gibson, Hora, Gewa, Scherl et Roth, Hopf, Stainer, John Juzek...) font chacune des violons de qualité variable. Certains Stainer valent 400$, d'autres 3'500$. Un tas de sites internet pseudo-bidon comparent des violons à numéro comme s'il s'agissait de modèles de machines à café (taper sur Google "les meilleurs violons, deal") - ce n'est pas le cas. Le violon n'est pas un produit à résultat prévisible. Tous les violons de qualité sont uniques. Pour être satisfait, il faut l'essayer avant de l'acheter.

Il faut savoir que beaucoup de grandes fabriques européennes, telles que celles de Mirecourt en France et de Markneukirchen en Allemagne, produisirent en série des copies de violons de luthiers plus anciens. Ces dizaines de milliers de faux exemplaires ont certainement pu contribuer, quelque part, à attiser la curiosité de la clientèle envers ces anciens luthiers, contribuant ainsi à leur prestige; mais le manque de connaissance des rares violons d'origine dans la population moyenne crée une confusion permanente chez le non-connaisseur; ne faisant pas forcément la différence entre le violon d'origine et la copie en sa possession. Il s'agit souvent de bons violons, bien que très inférieurs aux authentiques. Sur l'étiquette, le fabricant et la date du violon d'origine sont typiquement indiqués. Les éléments graphiques de l'étiquette d'origine ne sont pas forcément copiés : police de caractère, signature du luthier, choix du papier, dessins, etc. Certains fabricants ajoutent à l'étiquette des éléments permettant de les localiser (ville, pays, nom de la fabrique). L'étiquette est parfois écrite dans la langue du fabricant ou pour celle de la clientèle cible (en particulier pour les violons allemands exportés aux États-Unis, question de respecter les lois d'importation du pays). On trouve ici un exemple de catalogue de Mirecourt du début du XX siècle et ici un texte qui présente les conditions de production dans les fabriques de Mirecourt.

Néanmoins, beaucoup de grands violons portent de vraies étiquettes; et les signatures à l'intérieur peuvent contribuer significativement à retracer, plus rapidement, l'histoire du violon. Si vous désirez savoir si votre instrument est authentique, la première étape est de le comparer à des violons authentifiés du même luthier (voir par exemple sur Tarisio). Si le style d'origine du luthier paraît vraisemblablement respecté, la seconde étape est de contacter un expert. Les experts du pays d'origine de l'auteur du violon sont, plus particulièrement, qualifiés pour identifier l'authenticité du violon (ils voient davantage passer dans leurs ateliers des violons authentiques du même fabricant)... mais ce n'est pas une règle absolue comme les violons sont de grands voyageurs.

En bref, comme l'étiquette/la marque est généralement davantage un leurre qu'un gage de qualité, il faut savoir évaluer un violon indépendamment soi-même ou à l'aide d'un luthier ouvert d'esprit pour les cas plus difficiles (pour détecter la qualité en dehors de la normativité!). Comme ce critère n'en est pas vraiment un, il s'agit du critère 0.

La qualité du vernis

En plus d'avoir une fonction esthétique, le vernis protège le bois et allonge ainsi la longévité du violon. Un vernis de qualité doit être souple afin de ne pas gêner les vibrations du son, mais assez solide pour résister aux petites collisions et traverser le temps. De manière générale, les vernis chimiques qui rendent les violons très brillants sont observés sur des violons bas de gamme (ces vernis très durs coupent le son), tandis qu'on observe des vernis à alcool sur des violons intermédiaires/avancés, et des vernis à l'huile sur des violons visant le haut de gamme. Le vernis ne doit pas être trop épais, sinon il gênera le son : un vernis trop épais cache aussi le grain du bois. Or, les luthiers aiment le bois et veulent transmettre leur amour de sa beauté : on veut voir ses traits!

Bien que les vernis chimiques de basse qualité étaient jadis tous très brillants (image A ci-dessous), les producteurs tendent aujourd'hui à les rendre plus mats et satinés pour rappeler l'huile de lin (image B et C). On observe couramment ces vernis sur des violons en bas de 500$, en particulier en provenance de Chine. Les violons comportant ces vernis sont très généralement de faible qualité dans la totalité des 6 autres critères qui suivent. Ils peuvent néanmoins dépanner le non difficile qui désire expérimenter l'instrument à faible coût.

On observe ci-dessous des vernis à alcool de qualité assez bonne. Les vernis à alcool ont été largement utilisés dans les grandes fabriques françaises. Ils ont l'avantage de sécher beaucoup plus vite que les vernis à l'huile en plus d'offrir une bonne protection et une belle apparence. La couche de vernis à l'alcool peut comprendre une combinaison de différents éléments : alcool, gomme-laque, sandaraque, colophane, pigments... Ces vernis ont tendance à s'écailler avec le temps et, étant assez durs, contribuent à la richesse du spectre en haute fréquence; au détriment de celle des basses fréquences... mais pas forcément suffisamment pour déclasser le violon de sa qualité générale - de nombreux luthiers continuent à produire d'excellents violons comportant des vernis à alcool.

Vernis à l'alcool | Choisir un violon chez P.Boucher

Puis on observe ici des vernis à l'huile, beaucoup plus souples et durables, mais beaucoup plus longs à réaliser. Les vernis à l'huile les plus purs sont constitués à la limite que d'huile de lin, gomme de pin et pigments naturels et prendront des mois, voir des années, à sécher. Ce type de vernis est le vernis « traditionnel » du temps où les Italiens ont popularisé le violon avec leurs célèbres instruments - 1650-1750 (voir cet article). Leur souplesse maximale, par rapport aux autres vernis, gêne au minimum le son naturel du violon; et permet ainsi de bien transmettre les basses fréquences du violon lui donnant sa « chaleur » .

Vernis à l'huile pure | Choisir un violon chez P.Boucher

Nous avons finalement des vernis hybrides comportant à la fois des vernis à l'alcool (souvent à base de gomme-laque) et à l'huile. La plupart des violons allemands de fabriques comportent ce type de vernis. L'utilisation de vernis à l'alcool donne à ces violons un aspect plus lustré que les violons comportant que du vernis à l'huile. Je considère les vernis purement à l'huile préférables pour la sonorité, mais plus difficiles d'entretien : ils nécessitent des retouches d'huile de lin en cours de vie et sont plus difficiles à nettoyer. Le vernis hybride semble mieux protéger la surface du bois.

Vernis huile et alcool | Choisir un violon chez P.Boucher

La qualité du bois

Étant la matière qui vibre, le bois est responsable du son, mais aussi de l'apparence de l'instrument et de sa longévité. Les luthiers utilisent traditionnellement du bois séché naturellement pendant des dizaines d'années. Un bois trop jeune cause typiquement des déformations anormales de l'instrument dans les premières années et l'apparition de fissures diverses. Ensuite, on recherche un bois offrant un bon compromis entre la souplesse et la solidité, mais plus encore, un bois qui résonne naturellement bien aux fréquences de l'instrument. L'intégrité des bois anciens doit être bien vérifiée. Le vieux bois est parfois mangé par des champignons ou vers. Les violons anciens méritent ainsi à être inspectés de l'intérieur - un signe de pourriture passée et/ou perte de poids n'est pas forcément fatal, mais diminue la valeur de l'instrument. Un violon peut connaître une période d'infection par des parasites, puis ces parasites meurent et laissent leurs traces dans l'instrument. Pour juger de la gravité de cette infection passée, il faut simplement tendre l'oreille.

Les meilleures tables sont généralement faites en épinette et comportent des veinures bien parallèles et moyennement espacées (~1mm en chaque veinure). Les veinures serrées, liées à un bois de plus grande densité, favorisent les sons aigus (la table doit être plus mince pour obtenir l'équilibre dans les grave). Les veinures espacées, liées à un bois de moindre densité, favorisent les sons plus graves (la table devra être plus épaisse pour obtenir l'équilibre dans les sons aigus). Le bois plus dense est généralement plus solide, bien qu'il comporte des zones de faiblesse en particulier aux noeuds. Les zones brunes ou plus rouge sont aussi à surveiller. Le bois blanc est le plus fiable. Cependant, la couleur du bois ne se voit plus sur un violon verni.

Le luthier utilise généralement le même bois pour le dos, les éclisses et la tête. L'érable est l'essence de prédilection.

Il est difficile de juger de la qualité acoustique du bois à l'oeil, mais on peut minimalement en apprécier la qualité esthétique. L'érable piqué et l'érable ondé sont particulièrement prisés pour leur qualité acoustique et esthétique. La dureté de l'érable est importante pour la richesse des moyennes et hautes fréquences. Lorsqu'un bois plus mou est utilisé pour le fond (tel qu'un plaqué), le violon aura typiquement plus de basses s'il a été correctement verni et calibré; mais des moyennes fréquences et aigus plus pauvres. Au final, les basses seront aussi plus pauvres, bien que puissantes sur la fondamentale, car elles comporteront moins d'harmoniques.

L'érable ondé (aussi appelé érable flammé) se caractérise par des stries opaques créées naturellement dans le bois lorsqu'il est mouillé, teint ou vernis. Il s'agit du type de bois le plus prisé, plus dispendieux. Les luthiers, ne réalisant aucun compromis dans la qualité et la beauté, utilisent énormément ce bois de caractère. Un violon comportant ce bois est aussi souvent bien fait, malgré que certaines fabriques européennes ont également utilisé ce bois aujourd'hui dispendieux sur des violons de masse réalisés rapidement (On peut reconnaître ces violons avec l'expérience. Il est parfois possible de corriger leur graduation pour augmenter leur valeur. Parfois ils sonnent déjà très bien, mais c'est plus hasardeux dépendamment de la capacité de l'ouvrier de l'époque à produire un bon violon rapidement. J'ai vu des violons à moitié bien faits : excellent fond, table bâclée. Ces violons étaient souvent réalisés par plusieurs ouvriers.)

Violons en érable ondé | Lutherie Patrice Boucher

Le bois moins texturé est davantage employé sur des violons débutants et intermédiaires des fabricants européens, sur des violons américains (faits avec du bois local); et sur d'anciens violons italiens datant du temps où l'usage de l'érable ondé dans les violons haut de gamme était moins systématique (1600-1800). Il est donc important de savoir qu'un violon fait avec de l'érable plat peut être haut de gamme, même si la majorité d'entre eux sont des violons destinés aux débutants/intermédiaires.

Violons en érable plat | Lutherie Patrice Boucher

Voici finalement des exemples de violons débutants faits en contre-plaqué, encore beaucoup moins cher que l'érable non texturé. À droite, des veinures de bois ont été dessinées sur les plaqués pour imiter l'érable ondé. Ce type de violons en contre-plaqué vaut dans les 200-500$ neufs. Le contre-plaqué peut donner d'amples basses fréquences s'il est bien calibré. Il peut ainsi contribuer à la construction de violoncelles et contrebasse respectables. Pour des violons cependant, le besoin de puissance dans les aigus encourage une calibration de la table plutôt épaisse. Le son des aigus est limite « cacane », mais ça peut rester audible et même agréable dans un certain sens considérant qu'il s'agit d'un « jouet ». Pour ceux et celles qui recherchent à jouer du beau violon romantique, je conseille fortement à débuter avec un violon plus haut de gamme. Débuter avec un violon débutant est, en effet, une cause d'abandon logique pour les oreilles aiguisées.

Violons en plywood | Choisir un violon chez P.Boucher

La qualité des filets

En plus d'embellir le contour du violon, le filet bloque la progression de craques pouvant démarrer sur le pourtour du violon et protège ainsi la table et le fond. Il s'agit de 3 lattes de bois collées ensemble (voir le paquet de filets ci-dessous à gauche), d'environ 1.7mm par 3mm. Le filet doit être chauffé et courbé selon la forme du contour, puis incrusté dans un canal creusé pour le recevoir. La partie du filet dépassant le canal est finalement gougée au niveau de la table ou du fond (voir par exemple le site de Patrick Kreit). La réalisation du filet est une opération délicate qui exige une bonne précision d'exécution et une bonne vision, des qualités que la vieillesse tend à diminuer chez certaines personnes, plus sujettes, avec l'âge, aux tremblements et à la presbytie. Il est donc fréquent d'observer des irrégularités et défauts sur des filets de violons réalisés en fin de carrière d'un luthier (y compris Stradivarius). La présence de filets véritables est la norme, bien que certains violons bon marché n'en ont pas (sur ces violons, on observe plutôt un dessin de filet qui disparaît aux endroits usés - comme sur les violons Suzuki des années 80-90 et des violons français pour débutants).

Le luthier utilise parfois des filets fabriqués à la chaîne localement. Ses caractéristiques (épaisseur totale, épaisseur des couches, bois utilisé), avec le style de la sculpture avoisinante, contribuent ainsi à authentifier le violon, ou du moins sa région de fabrication. Certains luthiers fabriquent eux-mêmes les filets. Les filets fabriqués à même l'atelier sont plus sujets à avoir des variations d'épaisseur sous un style propre au luthier fabriquant, offrant un style plus organique au pourtour du violon.

Sillets de violons | Choisir un violon chez P.Boucher

La qualité de la taille et sculpture

La qualité du travail est à la fois fonctionnelle et stylistique : fonctionnelle pour ce qui influence le son (courbure et calibration de la table et du fond, courbure des éclisses et contre-éclisses, calibrage de la barre d'harmonie, tailles et positions des différentes pièces); et stylistique pour le reste (sculptage du pourtour et de la tête).

La capacité à différentier un violon original d'un violon mal fait exige cependant une certaine expérience. Lorsque c'est possible de l'entendre, il vaut mieux se fier directement au son - la conséquence de tout ce beau travail! Lorsque ce n'est pas possible (violon pas en état de jouer), alors voici des éléments qui me semblent importants :

  • Les proportions relatives des différentes parties de l'instrument Elles ont été définies à la fois pour maximiser la sonorité de l'ensemble des notes de l'instrument, et pour que ces notes soient au plus possible faciles à jouer. Il s'agit néanmoins d'un compromis : certaines notes de cordes spécifiques sont problématiques sur la plupart des violons. Un violon aux proportions originales doit être réalisé en respect des lois acoustiques, ou avec un fin instinct, pour ne pas mal sonner. La distance entre le sillet et la table est normalisée à 130mm (125mm sur les violons baroques), et la distance entre le sillet et le chevalet plus ou moins à 32.8cm de sorte à générer les harmoniques {Ré, La, Mi} sur la section des cordes {Sol, Ré, La} précédant le chevalet.
  • La courbure de la table et du fond. Les nombreuses expérimentations des Français, Allemands et Italiens ayant réalisé les premiers violons ont conduit à l'utilisation de courbes assez standards. Des violons d'apparence trop courbée, trop plate, irrégulièrement courbée (mauvaises progressions, plats locaux, asymétrie dysfonctionnelle), ou expérimentale sont sujets à des problèmes de sonorité.
  • La calibration de la table. La table agit telle une membrane qui amplifie les sons émis par le violon en réponse à la corde vibrante. Pour Stradivarius (voir Simone F, Sacconi, Les Secrets de Stradivarius), l'épaisseur de la table est typiquement entre 2.4 et 3.2mm, selon la dureté du bois : plus mince pour le bois dur; plus épais pour le bois mou et/ou irrégulier (veinures espacées et/ou tordues). L'épaisseur cible est constante partout sur la table, mais un peu plus élevée autour de l'âme (~3.2mm). D'autres standards existent : plus épais au centre; plus épais sur l'axe de la touche
    • Une table trop épaisse pour la dureté du bois favorisera les sons aigus. Il en résultera un violon très brillant, mais de puissance d'autant plus faible que la note est basse.
    • Par opposition, une table trop mince causera un manque de tonus des moyennes et hautes fréquences, un manque d'harmoniques... de brillance. À la limite, l'amplitude des vibrations de la table deviendra trop élevée pour la solidité du bois, provoquant un son quelque peu distordu.
    • Finalement, une table calibrée de façon irrégulière (tantôt épais, tantôt mince) générera un spectre également déséquilibré où certaines notes paraîtront plus fortes que d'autres.
  • La calibration du fond. Le fond crée un riche spectre à partir du son de la corde, en plus de contribuer à amplifier le volume sonore. Pour ce faire, le fond doit être assez mince dans sa partie basse et sa partie haute (~2.6mm contre 2.4mm), jusqu'à ~4.3mm dans sa partie centrale. L'épaisseur de la partie centrale contribue, à la fois, aux hautes fréquences en vibrant directement; puis (en raison du poids augmenté de la partie centrale) au tonus des basses fréquences générées sur toute la longueur du fond (et permises par la minceur des parties basse et haute). Voici mes observations de l'effet de l'épaisseur sur le son :
    • Lorsque le rapport entre l'épaisseur de la partie centrale et l'épaisseur des parties basses et hautes est trop faible, la puissance de la note émise par la corde (et ses harmoniques) devient également trop faible par rapport aux fréquences voisines. Il en résulte un son plus « diffu » (lié à un spectre plus plat), qui manque de précision sur les notes jouées. Lorsque joués faussement, ces violons génèrent ainsi les bonnes notes à une certaine puissance. Ils répondent, de ce fait, avec peu de sensibilité à la précision de jeu, sonnant presque aussi fort sur les fausses notes que sur les bonnes notes.
    • Lorsque le fond est trop épais dans les parties hautes et basses, le violon devient moins sensible au jeu : son volume paraîtra semblable en jouant doux et et en jouant fort.
    • Lorsque le pourtour du fond est trop épais, le violon sonne comme une boîte - renfermé et de faible volume, puisque ceci diminue l'amplitude des oscillations de l'ensemble de la surface. Les distributions de la résonance des sons aigus (normalement plus concentrés sur la partie centrale) vers des régions plus ou moins aléatoires du pourtour peut également générer des problèmes dans les aigus (tels que des sons stridents).
  • L'apparence de la tête. Souvent plus carrée chez les violons français (coupes droites, parfois délimitées par des traits noirs) ~1870 et plus, plus audacieuse chez les Italiens, taillés avec une bonne précision chez les Allemands (et souvent teintée clair sur les traits)... il ne faut surtout pas se laisser tenter par la généralisation. Par exemple, une tête aux traits arrondie peut également être observée sur un violon français. Plusieurs fabricants français ~1800 fabriquaient des têtes aux traits plus ronds (tels que les célèbres François-Louis Pique et Jean-Baptiste Vuillaume, et ci-dessous à droite D.Peccatte). La sculpture de la tête reste avant tout une signature du luthier qui fabrique le violon. L'observation des traits de sculpture aide à authentifier le violon, en les comparants par exemple à des violons déjà authentifiés (voir https://tarisio.com/). L'apparence de la tête n'a pas d'impact significatif dans le son.
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La beauté et le caractère de l'instrument

La beauté de l'instrument se traduit en un mariage cohérent et équilibré de ses caractéristiques : choix du bois, formes, sculptures, vernis... ainsi que par leurs beautés propres. L'appréciation, subjective, variera évidemment selon l'observateur. Le caractère est ce qui distingue l'instrument des autres. Il peut s'agir d'élément de sa fabrication, de son timbre, de son vernis. Voici quelques exemples d'éléments « caractériels » : des violons de formes spéciales à gauche, puis des violons « tachés » à droite. Les taches peuvent être considérées comme une « tache de naissance », ou encore une emprunte, permettant de différencier le violon des autres violons. La volonté du luthier de rendre la pièce « unique » lui ajoute effectivement une valeur ajoutée.

Violon atypique | Choisir un violon chez P.Boucher Violon taché | Choisir un violon chez P.Boucher